Comment décrire en quelques mots l’expérience si riche que j’ai vécue pendant six mois ici, à Puget-Rostang, dans ce petit village du Haut-Pays des Alpes-Maritimes…
C’est d’abord une rencontre avec des bénévoles dynamiques et accueillants, qui donnent de leur temps et de leur énergie dans ce projet collectif qu’est l’Écomusée du pays de la Roudoule. Tout de suite, je me suis reconnue dans cette initiative, qui faisait écho à mon projet de mémoire. Je suis tombée au bon endroit, comme on dit, un peu par hasard, dans ce hameau à 626 km de chez moi.
L’Écomusée, c’est aussi – et surtout – le travail sans relâche de sa responsable, Clémence, seule employée à temps plein tout au long de l’année. Une personne dotée d’une gentillesse, d’une intelligence et d’une patience sans limite.
L’Écomusée, ce sont à la fois deux lieux d’exposition, ainsi qu’un tiers-lieu agri-culturel, Bertrik, où se développent chaque année des événements en lien avec les savoir-faire ancestraux et locaux.
Les événements à Bertrik, c’est la découverte de la céramique, de la teinture végétale, mais aussi de l’emblématique distillation de la lavande : un processus quasi magique où presque tous les sens sont en éveil – le bruit de l’alambic qui chauffe, la brume qui s’en dégage, et surtout, l’odeur délicate et enveloppante de la lavande qui se révèle après quelques heures d’attente.
Pour beaucoup, la vallée de la Roudoule est un lieu chargé d’émotion : un lieu de vie, un lieu d’enfance, un lieu de mémoire familiale. L’Écomusée, c’est l’expérience du sensible et de la mémoire, qui rassemble au sein de ses expositions les récits et les objets des parents, des grands-parents, et des arrière-grands-parents.
Pour tout dire, le travail à l’Écomusée m’a donné le goût de l’accueil, de la transmission à un large public, et surtout de l’aventure. Chaque matin, je me demandais ce que la journée allait bien pouvoir me réserver de nouveau.
Voici un petit florilège – non exhaustif – de ce que j’ai fait :
tasser la lavande pieds nus dans l’alambic, faire ma propre tasse en argile, écouter les souvenirs d’enfance des habitants de la vallée, cueillir de la lavande sauvage au lever du soleil à 2 100 mètres d’altitude, fouiller les états civils, les actes de naissance et de mariage dans les archives départementales, page par page ; inventorier les livres du musée, apprendre à tricoter, préparer des pan bagnats, inaugurer le musée, carder et filer de la laine locale, fredonner Le Temps des cerises d’Yves Montand, observer les lucioles dans le jardin, fouiller les réserves du musée, honorer la mémoire d’Auguste Blanqui, mener des entretiens dans des lieux insolites, monter un métier à tisser, déplacer un chaudron en cuivre de 150 L, observer les constellations et les planètes depuis le plateau de Dina, découvrir les festins, photographier, filmer et monter, fauciller les herbes hautes en dernière minute pour dégager l’accès aux toilettes, monter trois expositions de A à Z, observer un cerf depuis la fenêtre de ma chambre, écrire un livre, tracter pour un événement…
Pendant six mois, j’ai vécu seule, entourée d’une forêt de deux hectares. Pourtant, je n’ai jamais eu peur. Je ne me suis jamais sentie seule.
C’est avec une certaine mélancolie (oui, déjà…) que je quitte ces lieux. Je serais bien restée encore quelques mois pour vivre ici la totalité des saisons.
Je voudrais remercier Élise, ma binôme, mon amie dans cette aventure, avec qui j’ai beaucoup, beaucoup rigolé ; Clémence, ma responsable, merci pour ta bienveillance.
Et puis toutes les personnes que j’ai rencontrées : Yvette, Thierry, Evelyne, Jacqueline, Gisèle, Kinou, Jean-Claude, Edgar, les dames du tricot, Anne-Marie, Cathy, Philippe, Serge, Didier, et Baïki.
Je voudrais aussi remercier Olivier d’Insite pour son écoute, son optimisme et ses conseils.
Et bien sûr, une petite photo à l’argentique de cette belle vallée que j’ai observée et étudiée chaque jour pendant six mois.
Longue vie à l’Écomusée du pays de la Roudoule.