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Une retraite pas comme les autres

Publié le 09/02/2024

C’est le début d’un grand mois : 29 jours en février, ça n’arrive que tous les quatre ans. En plus, dans 2 jours, c’est le Nouvel An chinois, qui signera le début de l’année du dragon – le signe astrologique le plus prisé. Et ça, ça n’est que tous les douze ans !

Mais il y a d’autres choses grandioses qui arrivent en février, dans notre petit village d’accueil gardois.

Et notamment, le paroxysme de notre travail sur la biodiversité et l’agriculture. Le 6 février, Margot et moi avons organisé une visite au Monastère de Solan. Les sœurs de ce monastère orthodoxe travaillent 20 hectares de terre, avec « amour pour la création ». Chrétien ou pas, on se retrouve dans leurs pratiques : la terre est travaillée avec un immense respect pour la vie qui s’y trouve.

Après plusieurs rencontres avec les viticulteurs qui travaillent sur la commune, ils nous ont demandé d’organiser une visite de cette « exploitation » à la Bastide d’Engras. Si c’est le terme communément employé dans le monde agricole, difficile de l’appliquer aux terres du Monastère. Elles donnent autant qu’elles peuvent au domaine pour assurer sa pérennité, et ne cherchent pas à exploiter la ressource, bien au contraire.

Elles nous mènent à travers leur domaine, mais aussi à travers l’histoire de cette terre. Comment redonner de la vie dans le sol après des années de labour et de produits de synthèse ? Il leur a fallu faire preuve de patience : plusieurs années à reconstruire le sol, à retrouver l’équilibre. De la paille au chiendent, trois années se sont écoulées avant que graminées, légumineuses et autres engrais vert puissent pousser sur un sol restructuré. Leur secret aujourd’hui, c’est la Litière Forestière Fermentée. Un peu de sol de la forêt, du petit-lait, et on laisse fermenter le tout.

Sœur Nicodimi, les yeux pétillants de passion, nous fait signe de la suivre à travers la cave. On rentre le ventre pour passer entre deux cartons, deux-trois pas de danse pour éviter le transpalette, vite vite, sœur Nicodimi court, il ne faut pas la perdre de vue ! Sa tête passe par une porte au fond de la cave, que l’on vienne coller notre oreille à un grand bidon de plastique. Vous entendez ? Ces petites bulles, ça veut dire que le mélange est prêt ! Toute une armée de micro-organismes, plus d’un million par millilitre, prêts à aider les vignes de sœur Nicodimi contre les maladies et la sécheresse. Les sœurs utilisent la LiFoFer en quantité industrielle. En préventif, elles en aspergent les pieds de vignes pour leur donner un petit coup de boost. En curatif, sur les feuilles, pour que les « petits bras musclés » des micro-organismes mangent les champignons du mildiou ou de l'oïdium.

On sent les viticulteurs intrigués : des petites moues dubitatives, des questions parfois un peu sceptiques… Ont-elles des croyances un peu mystiques ? Mais sœur Iossifia a de la repartie : « ah non, pas la biodynamie ! ». Sœur Nicodimi a une formation de chimiste, elle a autant la tête tournée vers le ciel que les pieds sur terre.

Le berger Frédéric est aussi des nôtres. Tandis que lui et sœur Nicodimi s’éclipsent pour parler d’herbage et de pâture, Anthony, agriculteur depuis deux ans, prend une poignée de terre avec de la poudre blanche. Mais qu’est-ce donc ? Sœur Iossifia nous présente une de leurs dernières expérimentations : c’est de la zéolithe. Par sa structure en spirale, cette argile très fine pourrait aider le sol à mieux retenir l’eau. En plein épandage, elles ne savent pas encore ce que ça va donner !

Le maître-mot de leur domaine, c’est l’observation. Toujours regarder, pour bien s’adapter. Depuis 2017, chaque action se fait avec la réflexion suivante : que se passera-t-il sur cette parcelle si l’on passe les cinq prochains mois sans une goutte de pluie ? Comment s’adapter à ce climat qui change ?

C’est là tout l’objet de cette visite guidée : la terre des sœurs, c’est une terre d’essais, que les agriculteurs ne peuvent pas toujours se permettre. Leurs pratiques ne sont pas toujours reproductibles dans les exploitations professionnelles, où contraintes économiques et cahiers des charges limitent les marges de manœuvre. Cependant, elles peuvent inspirer : nous avons organisé cette journée dans une vraie stratégie de lobby pour l’agroécologie. 

Elles concluent sur cette phrase : soigner Solan, par Solan. En d’autres mots, comment utiliser les ressources locales pour nourrir et soigner la terre. Un dernier moment convivial de dégustation de vin, toute la troupe est ravie. Nous avons été vraiment, très bien reçus.

Dégustation au Monastère de Solan

Un grand merci à elles, donc, mais aussi à tous les participants de la journée qui se sont prêtés au jeu malgré leurs agendas très occupés. 

Marion Chetaille

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